L'engagement militant
“C’est à son attitude devant les humbles devoirs de la vie quotidienne que la jeune génération, comme chaque génération sera jugée. Au jeune Flamand, à la jeune Flamande il faudra, comme à leurs aînés, la force de supporter l’hostilité sourde et latente, plus pénible souvent que les hostilités ouvertes et déclarées, les vexations mesquines et les sous entendus harcelants comme des piqûres de moustiques plus insupportables que les attaques violentes, à visage découvert, l’incompréhension ou, pis l’animosité de ceux-là mêmes qui devraient être les premiers et les plus empressés à les soutenir et à les suivre, la trahison sans doute, car le militant qui ne la connaît pas, ignore tout du sort qui est normalement celui de l’homme d’action, le désaveu peut-être des siens et la solitude du cœur.”
L'amitié
“Une autre loi doit régir la loi du militant et du mouvement : l’amitié. UT SINT UNUM : qu’ils soient un ! Le vœu suprême laissé par le Christ aux siens avant de les quitter demeure le mot d’ordre destiné à régir toute communauté d’âme et d’action. De bien plus précieux, il n’en est pas que l’union entre tous ceux qui se dévouent à une même cause. Une telle unité, une telle unanimité n’ont pas de prix. Aucun sacrifice n’est trop lourd, aucune forme de l’abnégation trop pénible, quand il s’agit de maintenir l’accord entre militants, entre adhérents.
Certes il importe de veiller à la pureté et à l’intégrité de la doctrine. Mais à cette intransigeance sur le plan des idées doit s’allier la plus fraternelle et la plus large indulgence à l’égard de ceux à qui nous unit la même foi. Les dons les plus divers des hommes les plus dissemblables sont complémentaires. Chacun a ses qualités. L’art du chef et la vertu du bon militant est de voir en chacun des qualités dont personne n’est dépourvu, et non pas les défauts, de retenir en chacun ce qu’il est susceptible d’apporter de positif à l’œuvre commune, de s’attacher non à ce qui sépare, mais à ce qui unit.
Le militant qui entend servir avec plénitude et efficacité prend les hommes comme ils sont, et non pas comme ils devraient être. Jamais sa patience ne se lasse, ni sa mansuétude. Des meilleurs il exige beaucoup – car aux bons on ne demande jamais assez -. Mais il sait que tout le monde n’a pas en soi de quoi s’élever aux cimes. Il ne rebute pas les médiocres, il s’entraîne même, surmontant son dégoût, à supporter le contact des tièdes. Le conseil évangélique pour lui ne perd jamais son actualité. « N’achevez pas de rompre le roseau brisé et n’éteignez pas la mèche qui fume encore ». Du plus indolent et du plus fantasque, il est possible souvent de tirer quelque chose pour le bien de la cause.
Le bon militant, le vrai chef avale de bon cœur les pires couleuvres. Il encaisse les déceptions, ferme les yeux sur les faiblesses et les incohérences, ne tient pas rigueur des petites lâchetés. Seule la trahison ne trouve pas grâce devant lui.”
L'héroïsme
“Ne perdons pas de vue toutefois que l’héroïsme se monnaye dans la vie de tous les jours et de tous les instants. L’héroïsme ne consiste pas à se gargariser de déclarations et de déclamations grandiloquentes, à s’enivrer de rêves, à se promettre, pour un lendemain sans cesse reporté…au jour suivant, d’accomplir de grandes choses… C’est en s’acquittant avec fidélité, courage et rigueur des humbles devoirs quotidiens, que l’on se forge une âme capable de hautes actions, si l’heure un jour en doit sonner. L’héroïsme ne s’improvise pas.
Il requiert au contraire, à l’ordinaire, une longue préparation, l’apprentissage persévérant d’une suite ininterrompue d’efforts. « La vie simple, aux travaux ennuyeux et faciles, est une œuvre de choix qui veut beaucoup d’amour ».”
Abbé Jean-Marie GANTOIS
Testament Spirituel